Sortie du livre : La crise de la Monnaie par Bruno Jean Texier
La crise de la monnaie : L’histoire des jetons-monnaies, billets, et bons de nécessité d’Aunis et Saintonge (Charente-Maritime) 1790-1926 par Bruno Jean Texier
La présente étude se propose de replacer dans l’histoire de curieux jetons-monnaie, tickets et billets aujourd’hui oubliés qui virent le jour, en marge des émissions monétaires nationales officielles, comme la solution temporaire à une « crise de la monnaie » engendrée par les temps mouvementés que le pays traversa depuis la Révolution Française jusqu’à la Première Guerre Mondiale. Au-delà d’une réponse spontanée à cet état de crise, les monnaies de nécessité furent la manifestation de profonds changements socio-économiques de notre société avec l’effondrement du Franc Germinal, en incarnant les instruments fugaces qui introduisirent universellement et irréversiblement la monnaie fiduciaire que nous connaissons aujourd’hui. Elles représentent enfin un patrimoine local trop longtemps ignoré qu’il est important de redécouvrir presqu’un siècle après leur disparition. Elles nous permettent en outre de relire d’une manière plaisante, et sous un tout nouvel angle, quelques pages difficiles, voire insoupçonnées, de notre Histoire de France.
La présentation des monnaies de nécessité établie ici pour le seul département de la Charente-Maritime retrace en détails et avec vigueur, un phénomène social aux retombées historiques et contextuelles qui débordent largement de ce cadre géographique choisi, pour s’étendre à l’échelle nationale et européenne. Nous y retrouvons les émissions de monnaies de confiance révolutionnaires parmi lesquelles l’on retrouve des pièces fabriquées en métal de cloche et même des cartes à jouer, puis au 19e siècle quelques spécimens monétaires de charité, de café, de loges maçonniques, de coopératives de consommation, de sociétés mutualistes, de journaliers agricoles, et des toutes premières usines, conserveries alimentaires ou groupes industriels. Ce sera enfin durant la Première Guerre Mondiale que l’on vit l’explosion des monnaies de nécessité, d’abord par des émissions régionales de billets des chambres de commerce à partir de 1915, puis par des associations de commerçants, les régiments militaires, les camps de prisonniers et leurs cantiniers, et finalement universellement par les simples commerces, entrepreneurs, épiceries, cafés, cinémas, casinos, transports en commun, banques et grandes chaines de magasins. Une fois l’économie rétablie et la crise de monnaie enrayée, les monnaies de nécessité seront définitivement bannies par décret gouvernemental en 1926.
Ce nouveau regard aujourd’hui sur les monnaies de nécessité, ainsi que sur quelques insignes des œuvres de guerre présentées dans cet ouvrage, tout en ravivant une identité régionaliste, illustre la détermination générale d’une société de préserver en temps de péril ses valeurs constitutionnelles fondamentales et au passage, retrace les prémices du coopératisme et des systèmes d’économie sociale mutualistes en France, ainsi que le développement des grands mouvements humanistes de solidarité nationale.