Rationnement et réquisition sous le Siège et la Commune de Paris (septembre 1870-mai 1871) – Paris XXe (Seine) – Rations de viande pour les hommes d’une barricade à Belleville (mai 1871)
Ce bon de réquisition d’aliments date du lundi 22 mai 1871, le 2e jour des combats entre l’armée de Versailles, rentrée la veille dans Paris, et les forces de la Commune, regroupées dans la Garde nationale, cette armée citoyenne ressuscitée en septembre 1870 pour la défense de Paris. Il émane d’une des unités de la garde du 20e arrondissement, le 74e bataillon, fort de 1 500 hommes à peu près sous le Siège. Le bataillon avait participé à la défense des canons de la garde dont le gouvernement de Thiers avait voulu s’emparer au 18 mars précédent, précipitant ainsi l’avènement de la Commune. Voulant assurer la défense du quartier contre une attaque de l’armée régulière, les hommes du bataillon avaient aussitôt érigé une barricade au bas de la rue des Amandiers : il en existe une photographie célèbre. Pour comprendre ce choix stratégique, il faut préciser qu’à l’époque ni l’avenue de la République ni l’avenue Gambetta n’existaient, ni non plus, plus haut, la rue Sorbier. La rue des Amandiers assurait une liaison directe entre le milieu de la rue de Ménilmontant et le boulevard, d’où son importance : un coup d’œil sur une carte, même actuelle, suffit à le faire comprendre. D’où, le 22 mai, comme Paris se couvrait de barricades pour répondre à l’entrée des Versaillais, l’érection d’une nouvelle défense barrant la rue, mais cette fois semble-t-il dans le haut. Paris, en ses quartiers populaires, restait à cette époque une ville très cloisonnée où les liaisons internes commodes étaient rares.
Le bon est rédigé et signé par le capitaine Gilbert Jacquin (la garde élisait ses cadres). On trouve son nom sur un état nominatif de la compagnie en octobre 1870 ; il ne savait pas signer alors. Le bon est contresigné par le commandant du bataillon, Nicolas Devarenne, un ouvrier nacrier de 31 ans, qui sera compromis dans l’exécution d’une cinquantaine d’otages, le 26 mai, au siège du secteur dont dépendait le 20e, rue Haxo. Devarenne fut condamné à mort par un conseil de guerre, mais était passé en Belgique après la Semaine sanglante.
Ce bon fut présenté à un boucher du quartier, ou plus vraisemblablement à un restaurateur vendant du bouillon avec des portions de viande. Les mairies, sous le Siège puis sous la Commune, avaient signé des centaines de bons de ce genre, il est vrai essentiellement à destination des propriétaires et des hôteliers, pour loger des réfugiés ou des familles chassées par les bombardements de l’armée versaillaise lors du deuxième siège. Ce document atteste que, dans l’esprit des chefs de la barricade, le commerçant devait être indemnisé après les combats puisqu’il pouvait attester la réquisition. Ce formalisme resta de saison les jours suivants. Le document qui suit, daté du 24 mai où l’assaut du 20e était imminent, le prouve.
C’est un sous-officier, peut-être un simple garde, qui signa en lieu et place de Jacquin.
Sources : Archives de Paris, D2R4 16, 74e bataillon ; notice « Devarenne » dans le dictionnaire Maitron. Sur les combats, lire l’ouvrage de Robert Tombs, La guerre contre Paris, 1871. Paris, Aubier, 1997, 380 p.