vendredi 19 avril 2024
Etudes

Rationnement – Etudes – La carte individuelle d’alimentation (1939-1949) / La carte d’alimentation proprement dite

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1. Fiche de demande ou fiche de contrôle
2. La carte d’alimentation proprement dite
3. Feuille de coupons d’échange
4. Emploi des coupons et dispositions particulières
5. Attribution des rations de denrées contingentées
6. Porte-carte de tickets d’alimentation

La carte individuelle d’alimentation (initialement dénommée modèle 2 pour le type I) permet d’assurer la répartition et la distribution de produits autres que les produits dont il peut paraître, à un moment donné, utile de comprimer ou de régulariser l’utilisation. Elle est valable aux résidents français sur tout le territoire, y inclus la Corse.

Cette carte proprement dite se compose d’une couverture dans laquelle est encartée la feuille de coupons fixée. Elle est imprimée sur quatre faces.
Sur le folio 1, au recto sont portées les indications d’état civil ainsi que la lettre de catégorie et le numéro.
Le folio 2 présente, à gauche, une marge étroite destinée à coller la « feuille de coupon » renouvelable semestriellement ; à droite, un encadrement est réservé pour recevoir une photographie, dans le cas où le consommateur désirerait utiliser sa carte individuelle comme pièce d’identité. Une circulaire du 30 avril 1940 interdit aux maires (et fonctionnaires de police) de légaliser ces cartes d’identité par leur signature et l’apposition du cachet de l’organisme ; le timbre fiscal à 13f, obligatoire sur les cartes d’identité normales n’ayant pas été prévu. Il est vraiment très difficile d’en retrouver.
Le folio 3 rappelle les prescriptions générales relatives à la carte individuelle d’alimentation.
Enfin, le dernier folio comporte les instructions pour l’utilisation de la carte d’alimentation et des tickets de consommation.
Les cartes sont inscrites de manière unique avec un numéro d’ordre dans chaque commune à partir de 1.

Les cartes de rationnement émises en Juin 1940 sont très similaires à celles imprimées durant la Première Guerre Mondiale (ci-dessous présenté). A noter que les plus récentes n’ont plus de variantes dans la couleur d’encre par catégorie et que le coq n’apparaît plus en trame de fond, l’imprimeur aussi diffère.

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Carte d’alimentation émise pour le ravitaillement de la Première Guerre Mondiale
Avant de nous attarder au type standard, on retrouve certaines cartes individuelles d’alimentation gris jaunâtre avec la note de bas de folio « Georges Lang, Imp. » ou sans aucune indication d’imprimeur (2 types) en lieu et place de « imprimé à l’Imprimerie Nationale » et un décor distinct. Il pourrait s’agir d’un projet mais certaines ont étrangement été utilisées. Ces cartes sont excessivement rares.

Il est surprenant que certaines mairies les aient possédées et utilisées, sans doute par manque de type 1. Nous ne les avons rencontrées jusqu’à présent que pour la Zone Non occupée (ZNO). En plus de celle présentée ci-dessous, nous connaissons un modèle catégorie T pour Montluçon délivré le 20/05/41 et A de Nîmes du 01/03/41 (les deux sans imprimeur au verso).

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Carte individuelle d’alimentation (projet du type 1), au verso GEORGES LANG, IMP., délivré à Montauban le 26/02/41, collection D. Girault

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Carte individuelle d’alimentation (projet du type 1) – Collection D. Girault

Les cartes au fond de couleur orangé ont été utilisées de Juin 1940 à fin 1941 (le renouvellement débutant probablement dès juillet 1941). On y retrouve les catégories E-J-A-T-C-V avec en bas du folio 4 la note de bas de page « imprimé à l’imprimerie nationale ».
D’autres variétés sont ci-après recensées :
– Imprimé à l’Imprimerie Nationale. – J.9291-39 (Jaune, catégorie J)
– Imprimé à l’Imprimerie Nationale. – J.9291-39 (Beige catégorie T)
– Imprimé à l’Imprimerie Nationale. – J.9291-39 (Jaune, beige catégorie C)
– Imprimé à l’Imprimerie Nationale. – J.9294-39 (Jaune, beige catégorie T)
– Imprimé à l’Imprimerie Nationale. – J.9295-39 (Orange pâle, jaune, jaune bleu catégorie J)
– Imprimé à l’Imprimerie Nationale. – J.9358-39 (Jaune, beige catégorie A)
– Imprimé à l’Imprimerie Nationale. – J.9358-39 (Jaune, catégorie T)
– Imprimé à l’Imprimerie Nationale. – J.9360-39 (Jaune, beige, catégorie E)
– Imprimé à l’Imprimerie Nationale. – J.9360-39 (beige, catégorie A)
– Imprimé à l’Imprimerie Nationale. – J.9360-39 (beige, catégorie T)
– Imprimé à l’Imprimerie Nationale. – J.9362-39 (beige et jaune, catégorie V)

Pour les couleurs des cartes d’alimentation, il est assez difficile parfois de distinguer les multiples variantes de teinte laissées par l’usure du temps mais il me semble que deux couleurs prédominent (jaune et orange pâle). Le beige semble correspondre à une carte orange pâle à l’origine qui s’est noircie avec l’usage. Ces dernières sont vraisemblablement les plus communes.
Couleur

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Cartes individuelles d’alimentation catégorie C, fonds de teinte jaune à gauche et orange pâle à droite

Certaines cartes ont un coin coupé qui laisse à penser à une annulation du présent document sans qu’à aujourd’hui nous ayons pu confirmer cet élément par une circulaire.

Toutes ces cartes n’ont pas été imprimées à l’Imprimerie Nationale, on peut notamment retrouver ces variantes :
– 13901. – Imprimerie Lahure, Paris. (fond de couleur Orange pâle, catégorie E)
– 13901. – Imprimerie Lahure, Paris. (fond de couleur Orange pâle, catégorie J)
– 13901. – Imprimerie Lahure, Paris. (fond de couleur Orange pâle, catégorie A)
– 13901. – Imprimerie Lahure, Paris. (fond de couleur Orange pâle, catégorie T)
– 13901. – Imprimerie Lahure, Paris. (fond de couleur Orange pâle, catégorie C)

Sans être très rares, on ne les rencontre pas si souvent. On suppose que d’autres variétés peuvent subsister. Il faut donc rester ici très vigilant.

Pour ce modèle, il a déjà été aperçu une carte E sans rectification pour un homme âgé de 70 ans !
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Il s’agit d’une carte d’un prisonnier de guerre français du Frontstalag 204 (Péronne) détaché chez un agriculteur à 10/12 km du camp. La date est importante : 05/12/40 à mars 41. Or la plupart des frontstalags étaient déjà supprimés et les Prisonniers de Guerre transférés dans des camps (stalags) en Allemagne. Les Prisonniers de Guerre détachés dans l’agriculture bénéficiaient de la catégorie C.

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Cartes d’alimentation du 1er type (modèle 2) avec folio 4 à gauche et 1 à droite

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Verso, folio 2 et 3

Un assez grand nombre de consommateurs s’étant fait délivrer une ou plusieurs cartes d’alimentation ou pour lequel l’usage ne correspond pas à la catégorie de consommateur, il a été décidé de procéder à l’annulation des cartes en circulation et le remplacement par un nouveau modèle. Le plus grand soin a été demandé dans le renouvellement des cartes lorsqu’il s’agit des contrôles prévus lors de la remise des fiches de demande (pièce d’identité à fournir, vérification de la cohérence des informations portées, …) ou des contrôles de naissance qui doivent être effectués par les mairies. Ainsi, les cartes d’alimentation sont rééditées en Juillet 1941 (modèle type II) avec des couleurs différentes selon les catégories suivantes :
– E (titre C1), en bleu foncé
– J1 (titre C2), en vert
– J2 (titre C3), en lilas
– J3 (titre C4), en marron
– A (titre C5), en violet
– T (titre C6), en marron
– C (titre C7), en marron
– V (titre C8), en vert

Vraisemblablement il s’agit ici d’un essai de carte d’alimentation car le numéro de titre C5 ne correspond pas à la catégorie J3 dans la classification générale.
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Nous pouvons aussi retrouver ces cartes avec des surcharges manuscrites ou au cachet humide.
Notamment, nous pouvons noter l’existence d’une surcharge J3 sur la catégorie A.

Arrêté du 11 juin 1941, J.O. du 14/06/1941, page 2494 pour le renouvellement des cartes d’alimentation à compter du 1er novembre 1941

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A noter la profession, chantier de jeunesse. Les requis des Chantiers de Jeunesse ne peuvent pas bénéficier d’une carte d’alimentation car ils sont pris en charge complétement au même titre que les militaires.

Avant d’être déportés dans des camps de concentration, les juifs durent faire apposer la mention de leur religion sur leur carte d’alimentation. Ces cartes sont très rares, d’une part parce que peu de juifs étaient libres, d’autre part parce qu’après le départ des Allemands le retrait des cartes a eu lieu pour être remplacées par de nouvelles sans inscription particulière.
Nous avons rencontré différentes types de surcharge au cachet JUIF sur ces cartes individuelles d’alimentation de ce type seulement. Nous nous épancheront plus largement sur le rationnement et les religions dans une autre section.

Loi du 11 Décembre 1942 – J.O. du 12/12/1942, page 4058

Toute personne de race juive aux termes de la loi du 2 Juin 1942, est tenue de se présenter dans un délai d’un mois à partir de la promulgation de la présente Loi au commissaire de police de sa résidence pour faire apposer la mention « JUIF » sur sa carte individuelle d’alimentation et sur sa carte d’identité. Les infractions seront punies de 100 à 1000 frs d’amende et de un mois à un an de prison. Signé : Pierre LAVAL.

De nouvelles cartes d’alimentation sans précision imprimée de la catégorie devaient être renouvelées dès Juillet 1944 mais reportées au 1er Septembre 1944 en raison du retard dans la confection (texte Ravitaillement Général) et utilisées jusqu’au 31 juillet 1946. Ce modèle porte le numéro de titre 1391 et que l’on dénommera aussi type 1944. Il est assez rare d’en rencontrer émises pour l’année 1944. Nous en connaissons deux variantes dans la trame de fond (avec et sans rond bleu).

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Il sera apposé à compter du 10 février 1945 sur les cartes d’alimentation en circulation pour les hommes âgés de 18 à 48 ans une vignette de recensement militaire 1945(titre 2243), ou de recensement étranger 1945 (titre 2244). Un décret en date du 10 Janvier (J.O. du 12/1/45) prévoit que si le titulaire rentre dans l’un de ces deux cas (mobilisable ou étranger) ne pourra toucher les feuilles de coupons mensuelles seulement dans le cas où la carte possède la précieuse vignette de recensement. Le contrôle est assuré par les organismes de livraison des feuilles de coupons mensuelles.

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A gauche, carte d’alimentation avec la vignette de consommateur mobilisable et à droite, carte d’alimentation pour un britannique se trouvant sur le territoire français.

Les vignettes 2243 et 2244 se présentent par feuille de 100. On peut aussi retrouver ces vignettes sur les cartes d’alimentation du type précédent (plus rare).

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Ce prisonnier de guerre rapatrié le 03/05/1945 a obtenu sa carte individuelle d’alimentation le jour même et a fait aussitôt l’objet d’un recensement des français mobilisables. Il a ensuite déposé le 06/06/1945 à la Sté Bancaire de Crédit Industriel de Lunel ses billets de banque pour échange (ordonnance du 30/05/45).

 Ce modèle s’est aussi vu délivrer à un travailleur de nationalité italienne par le centre de libération des prisonniers.

Arrêté du 22 Janvier 1944, J.O. du 1/2/1944, page 346 pour le renouvellement des cartes individuelles d’alimentation entre le 20 Février et le 20 Juin 1944. Il faudra remplir une fiche de demande qui sera remise à la Mairie accompagnée de l’ancienne carte individuelle d’alimentation pour recevoir la nouvelle carte. Les infractions seront punies conformément à la loi du 31 Décembre 1942 sans préjudice des peines encourues suivant l’article 145 et suivant du code pénal.

C’est le décret du 6 juin 1946 qui prévoit la carte du dernier modèle type 1946 (titre 3021) utilisable à partir du 1er Octobre 1946 et valide jusqu’en 1949 (fin du ravitaillement).

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Sur les cartes individuelles d’alimentation (titre 3021) dans les grandes villes était apposé chaque mois un cachet de contrôle variant périodiquement et qui attestaient que les coupons d’échange étaient distribués.

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Carte d’alimentation du dernier modèle (type 1946) d’un travailleur allemand. On peut y distinguer l’annotation manuscrite « rapatrié en Allemagne » pour la résiliation.

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Fiche individuelle tenant lieu de carte d’alimentation pour un travailleur allemand délivré en Sept. 1945

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Cette carte d’alimentation a tout d’abord été délivrée le 1er Octobre 1946 puis retournée à la Mairie comme la loi l’oblige suite au décès du consommateur et enfin chose surprenante remise en service le 20 février 1949 en se servant du verso de la carte.

Notamment pour ce modèle, nous connaissons aussi la délivrance à un travailleur allemand (voir ci-dessus), polonais, belge et tchèque, ainsi qu’une surcharge en bordeaux «corps diplomatique ».

On dénombre aussi un modèle de carte individuelle d’alimentation qui fut délivré aux agents SNCF sans indication de dates avec 12 coupons de pain, de conserves de viande, de sucre et de matières grasses à présenter à la coopérative ou au centre de distribution.
Il faut dans la délivrance des cartes d’alimentation rester très vigilant et surtout nous faire part de vos trouvailles pour que nous puissions enrichir ce volet.

Décret du 6 Juin 1946, J.O. du 07/06/1946, page 5021

Renouvellement et contrôle des cartes individuelles d’alimentation. Entre le 20 Juin et le 1er Octobre 1946 remise dans les Mairies d’une fiche de contrôle à remplir. Cette fiche de contrôle postal du modèle fixé par le Ministère du Ravitaillement, tiendra lieu de fiche de demande de carte individuelle d’alimentation. Le 1er Octobre 1946 seules les nouvelles cartes individuelles d’alimentation seront valables pour percevoir les feuilles de coupons. Les nouvelles cartes seront remises aux intéressés contre échange des fiches de contrôle et de l’ancienne carte individuelle d’alimentation. Les fiches de contrôle seront ensuite pointées avec l’état civil de la commune. Les fiches des personnes nées en dehors de la commune seront envoyées par la poste en franchise aux communes d’origine des consommateurs pour vérification de l’exactitude des renseignements portés.

 

fleche Accéder à l’étude consacrée à la carte individuelle d’alimentation

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